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vingtième partie de ce que j’aurais voulu et peut-être pu exprimer[1]… »



LE KREMLIN À MOSCOU

Cette probité littéraire, cet orgueil de son art, ni les Goncourt, ni Flaubert lui-même ne l’ont plus ardemment pratiqué et, sur ce point du moins, il nous semble que Dostoïevsky se sépare nettement de Rousseau, dont l’amour-propre effréné, la susceptibilité maladive, les rancunes misérables diminuent tellement à nos yeux la valeur morale.

Et ce sont ces affres douloureuses, cette gésine angoissante, qui nous rendent Dostoïevsky si sympathique ; ce que nous trouvons admirable, c’est qu’il ait pu mener à bien le labeur considérable auquel il s’est astreint, malgré les crises qu’il a éprouvées, malgré les accès répétés d’un mal qui terrasse les volontés les plus fortement trempées.

À peine des traces de découragement se trahissent-elles, çà et là, dans sa correspondance : « Je suis malade des nerfs et je crains une fièvre cérébrale. Je suis si dévoyé qu’il m’est impossible de vivre une vie régulière. » Un autre jour, il déclare que la crise l’a « brisé, physiquement et moralement[2] » ; que l’épilepsie lui fait perdre du temps

  1. André Gide, Dostoïevsky d’après sa correspondance (Paris, 1911).
  2. Correspondance et Voyage à l’étranger, traduit du russe par J. W. Bienstock, Paris, 1908 ; lettres du 9 mars 1857 et du 7 mars 1877.