Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dostoïevsky disait à celui-là même dont on vient de lire le récit, que ses crises étaient précédées d’une extase enthousiaste ; il ressentait une sensation comme d’euphorie, d’optimisme, « une impulsion à se sacrifier ». Pendant ces instants, il éprouvait « une sensation de bonheur qui n’existe pas dans l’état ordinaire et dont on ne peut se faire aucune idée ». Je sens, disait-il, « une harmonie complète en moi et dans le monde entier et cette sensation est si douce et si forte que pour quelques secondes de cette félicité, on peut donner dix années de sa vie, même sa vie entière ».

Dostoïevsky n’a jamais fait mystère de sa maladie ; elle était trop apparente à tous les yeux pour qu’il pût la dissimuler[1] ; tout au plus avouait-il qu’elle lui enlevait une partie de ses moyens, que son travail intellectuel s’en trouvait ralenti.

À un correspondant inconnu, il exprimait ses regrets de lui avoir fait attendre sa réponse, parce qu’il avait supporté trois accès de son mal, ce qui, depuis longtemps, ne lui était arrivé « de cette force et si souvent ».

Aux crises succédaient des « humeurs noires

  1. De temps en temps, la revue qui donnait les romans de Dostoïevsky, paraissait avec quelques pages seulement du récit en cours de publication, suivies d’une brève note d’excuses ; on savait, dans le public, que Fédor Michaïlovitch avait son attaque de haut mal. (Revue des Deux-Mondes, loc. cit.)