Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/360

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Mahomet, quand il disait qu’il visitait toutes les demeures d’Allah en moins de temps qu’il n’en fallait à sa cruche d’eau pour se vider. »


L’aura de Kiriloff (Les Possédés) présente le même caractère de mysticité, d’extase extra-humaine :


« Il y a des moments, s’écrie-t-il, cela ne dure que cinq à six secondes, où vous sentez soudain la présence de l’harmonie éternelle. Le phénomène n’est ni terrestre, si céleste, mais c’est quelque chose que l’homme, sous son enveloppe terrestre, ne peut supporter. Il faut se transformer physiquement ou mourir. C’est un sentiment clair et indiscutable. Il vous semble tout à coup être en contact avec toute la nature et vous dites : « Oui, cela est vrai, cela est bon… Ce n’est pas de l’attendrissement, c’est de la joie… Si cet état dure plus de cinq secondes, l’âme ne peut y résister et doit disparaître. Durant ces cinq secondes, je vis toute une existence humaine, et pour elles, je donnerais ma vie, car ce ne serait pas les payer trop cher… »


Dans la description de la crise, Dostoïevsky n’oublie pas le cri initial qui accompagne la chute :


« Le prince garda un souvenir très net du commencement, des premiers cris qui s’échappèrent spontanément de sa poitrine et que tous ses efforts eussent été impuissants à contenir. Ensuite, la conscience s’éteignit en lui… À cet instant, la figure et surtout le regard se déforment. Les convulsions et les frissons contractent tout le corps et tous les traits du visage. Un hurlement terrible, inimaginable, qui ne peut être comparé à rien, s’échappe de la poitrine ; il semble que ce hurlement ait perdu tout caractère humain, et il est impossible, ou tout au moins très difficile pour le témoin, de s’imaginer et d’admettre que c’est un homme qui