Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/40

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la désillusion, sans réactions violentes. C’est que les poètes sont des organismes qui vibrent dans les notes aiguës et lorsque le malheur ou la douleur les frappe, ils restent, selon leur nature, brisés ou bronzés, pour parler comme Chamfort, rarement résignés.

À l’encontre du poète des Nuits, Heine ne s’est jamais déclaré vaincu ; il ne s’est jamais soumis, jamais rendu ; jusqu’au bout il a lutté et son esprit, son terrible esprit, a survécu jusqu’au dernier souffle.

Quelle verve et quelle ironie outrancières ! Il n’y a, dans toute l’histoire littéraire, qu’un autre nom qu’on puisse évoquer, qu’un autre personnage torturé, martyrisé comme lui, et qui ait nargué son mal, qui l’ait supporté avec un tel stoïcisme, mais de combien de coudées Heine dépasse Scarron !

Tous ses mots sont autant de perles qu’on voudrait pouvoir enchâsser et conserver dans un reliquaire précieux, qu’on n’ouvrirait qu’avec une religieuse émotion. Quel exemple nous a légué ce contempteur de toute croyance qui, après avoir vécu comme Épicure, a su mourir comme Épictète[1] !…

  1. Sur ce sujet poignant des réactions humaines vis-à-vis de la douleur, lire le noble et clairvoyant ouvrage du Dr Paul Voivenel : Le Médecin devant la douleur et devant la mort. (Paris, 1934, Librairie des Champs-Élysées.) (Bl. C.)