Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/47

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N’a-t-il pas psalmodié ses plus belles strophes au milieu des pires tortures ? Et quand l’enveloppe charnelle s’en allait pièce à pièce, l’étincelle divine ne restait-elle pas en lui aussi lumineuse, aussi éclatante[1] ?

Le crépuscule du génie mourant a eu, selon la magnifique expression du plus prestigieux des critiques, « toute la fraîcheur et l’éclat d’une aurore ».

« Cette âme accoutumée à se passer de corps avait hérité en quelque sorte de toute la vie qu’avaient perdue ses organes ; l’huile manquait à la lampe, entretenue par je ne sais quel idéal aliment, redoublant, avant de s’éteindre, de rayonnements et de feux. Tous ceux qui l’ont visité dans ce cercueil préparatoire, où il gisait immobile, se demandaient par quel miracle cette forme exténuée palpitait encore. »

Ce martyre dura huit années, huit siècles ! Dans ce chant prolongé du cygne, les plaintes et les cris alternèrent avec les mélodies angéliques et les rêves enchantés du demi-sommeil ; les cauchemars de la fièvre furent entrecoupés d’accès de rire

  1. Plus le corps du malade s’affaiblissait, plus semblait croître la vigueur de son esprit. C’est dans son lit de douleur qu’il composa et publia, en 1847, son admirable poème d’Atta Troll. Il en composa plusieurs autres dans les heures de répit que lui laissaient ses intolérables souffrances ; les plus remarquables : les Confessions, les Dieux en exil, parurent dans le courant de l’année 1854.