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qui « déchiraient l’oreille comme un sanglot ».

L’ironie et le rêve, c’est l’alliance de ces deux facultés qui constitue l’originalité de ce Germain francisé.

L’ironie est née, chez Henri Heine, le jour où a commencé la douleur.

D’abord légère et voilée, tant que les parties profondes de son être n’ont pas été atteintes, elle devient plus acerbe, plus sarcastique, avec les progrès de son mal ; jusqu’au jour où il arrive à se tourner lui-même en dérision, à éprouver comme une volupté à se moquer de ses propres souffrances.

« Quand notre cœur, écrit-il, est brisé, broyé, alors il nous reste encore le beau rire éclatant. »

« L’ironie — l’observation est d’un psychologue averti[1] — n’a pas tardé à être pour Heine comme les narcotiques pour les personnes en proie au mal physique : après avoir constitué un remède occasionnel et passager contre une crise de souffrance, elle est bientôt devenue, entre ses mains, un antidote préventif, procurant la sensation délicieuse de l’anesthésie morale et permettant de défier la douleur. »

Son sarcasme déconcertant était un remède dont il avait éprouvé les effets ; mais, à la longue, l’ac-

  1. M. Maurice Paléologue, qui a écrit, sur « L’Amour chez Henri Heine », des pages trop remarquables pour avoir été assez remarquées.