Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/66

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connaissez ses malheurs : sa divinité est réduite de moitié. Or, en dépit de toutes les règles mathématiques et algébriques, nos deux moitiés ne pouvaient faire un tout. »

En 1851, Heine publie son Romancero et tout le monde est stupéfait qu’un pareil chef-d’œuvre ait pu être conçu au moment où le tenaillait le plus la souffrance.

Jamais sa pensée n’a été plus lucide, son imagination plus vive ; il a conservé une admirable fraîcheur d’esprit. Il continue stoïquement à se regarder souffrir.

Il ne craignait rien tant que l’envahissement du cerveau par la paralysie : cet outrage suprême lui fut épargné.

« Faible et irritable comme un enfant devant la moindre critique littéraire, héroïque contre la douleur physique », a dit de lui Éd. Grenier.

Il assistait à son propre martyre comme s’il se fût agi d’une constatation objective. Il eût été le dernier sur le sort duquel il se fût attendri, et il n’eût pas supporté la pitié.

Deux fois le feu prit à la cheminée contre laquelle était posée la tête de ses matelas ; il semblait, à lui entendre conter l’incident, qu’il n’eût pas couru plus de danger qu’une personne ingambe.

Une nuit qu’il était terrassé par une de ces