Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/69

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habitué aux opiacés que la morphine, administrée à doses énormes, ne réussissait plus à lui procurer le repos.

Dans la nuit du 16 au 17 février, le Dr Gruby, interrogé par Mme Heine, secoua la tête pour toute réponse et entra dans la chambre du malade. Il s’approcha de son lit, le regarda en silence et avec tant de tristesse que celui-ci lui demanda :

« Vais-je donc mourir ? »

— Oui, lui répondit le docteur ; l’heure est venue. Vous m’avez fait promettre de vous le dire, je tiens ma promesse.

— Merci, ami », se contenta de répondre le moribond. Et comme le médecin, ému jusqu’aux larmes, lui demandait s’il avait une prière à lui adresser : « Oui, répondit le poète ; ma femme dort, ne la réveillez pas, mais prenez sur cette table les fleurs qu’elle a achetées ce matin. J’adore les fleurs. Bien ! Placez-les sur ma poitrine. Merci, merci encore ! » Et s’enivrant une dernière fois de leur parfum, il murmura : « Des fleurs, des fleurs ! Que la nature est donc belle ! »

Ce furent ses dernières paroles.

Il avait interdit, dans son testament, de soumettre son corps à l’autopsie ; il demandait seulement qu’on lui ouvrît une veine pour s’assurer de la réalité de la mort, sa maladie ayant à maintes reprises ressemblé à de la catalepsie.