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de son intelligence, n’aboutir qu’à recevoir une cure dans la misérable Irlande ! Pour une nature comme la sienne, rien n’était capable d’apaiser tant de rancœur amassée[1] !

Les bizarreries dont il était coutumier, les singularités de son caractère avaient de bonne heure fait douter de sa raison. Ceux qui l’approchaient de très près, habitués qu’ils étaient à son originalité, ne s’en offusquaient plus, mais aux yeux du plus grand nombre il passait pour un dément. Les habitués d’un café où il fréquentait, devant l’étrange spectacle de ses excentricités, l’avaient baptisé « le curé fou ».

Les mystifications auxquelles il se complaisait n’étaient pas toujours anodines ; s’il y en eut de plaisantes, on en cite de cruelles. Toutes portent la même marque de désenchantement amer[2].

Nous ne rééditerons pas ici l’anecdote trop connue du dîner remboursé à ses amis Pope[3] et

  1. Cf. Taine, op. cit.
  2. Comme il se promenait un jour aux côtés d’une dame qui s’extasiait sur la douceur et la pureté de l’air, notre humoriste se jetant subitement à ses genoux, s’écrie : « Chut ! Milady, parlez plus bas ; si par hasard on vous entendait, dès demain on mettrait un impôt sur l’air. »
  3. Pope, qui collabora souvent avec Swift, était bossu et avait moralement quelques points de ressemblance avec son ami. Afterburg disait de lui : mens curva in corpore curvo. Reynolds nous le décrit « très bossu et contrefait »… « le visage ridé et