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La femme, Swift en avait la peur et plus encore la haine ; et quand on connaît sa force de haine, on présume jusqu’où elle put atteindre. Il n’épargna même pas celles dont le dévouement éprouvé eût dû le désarmer.

Deux admirables cœurs, Stella et Vanessa, « dont les noms, selon les termes du principal historiographe de Swift, entourent encore le sien d’une poésie secrète », lui prodiguèrent leur tendresse, et il les fit mourir de douleur.

On a voulu expliquer cette attitude de féroce misogynie, par une infirmité de nature spéciale qui, sans avoir la même origine que celle de Boileau, cet autre satirique, aboutissait aux mêmes résultats. À défaut de témoignages plus précis, et qui seraient, d’ailleurs, de contrôle malaisé, nous ne saurions scientifiquement en décider.

Swift, nous assure-t-on[1], recherchait la société des femmes, mais il évitait comme le feu le tête à tête. Pendant seize ans il confia l’administration de sa maison à la fille de l’intendant de son protecteur, sans qu’elle fût pour lui autre chose qu’une amie, quelque sentiment qu’elle lui pût témoigner et quelque désir qu’elle eût de changer de rôle.

À l’imitation de certains eunuques, qui croient

  1. Cf. Confessions de Sainte-Beuve, par Nicolardot, 216 et suiv.