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pouvoir s’accorder le luxe d’un sérail, Swift eut la fantaisie de contracter mariage ; mais un mariage blanc, car il stipula qu’il y aurait perpétuellement séparation de corps.

Une autre femme, belle et riche, qui ignorait ce pacte, s’éprit de lui ; tantôt jalouse, tantôt soumise, si passionnée, si malheureuse que ses lettres auraient attendri le cœur le plus glacé, elle usa contre ce roc un sentiment qui frisait la démence et la conduisit au tombeau. Le même sort fut réservé à l’épouse secrète. Swift refoula le dévouement comme il avait répudié l’amour, après avoir laissé croître l’un et l’autre.

L’émotion qu’il éprouva à la mort de sa femme, assure-t-on, eut un contre-coup fatal sur sa santé depuis longtemps affaiblie. Peut-être eut-il à ce moment une lueur de pitié pour ses deux victimes.

Quoi qu’il en soit, nous constatons des troubles maladifs dès la jeunesse même, chez notre personnage.

Des vertiges, tout d’abord, qui ne lui laissaient guère de répit. Il en parle souvent dans sa correspondance, ainsi que des étourdissements auxquels il était sujet. Il lui arrivait parfois de quitter sa table et de se faire servir dans sa chambre, tant que duraient ce qu’il appelait ses humeurs noires.

Sa susceptibilité nerveuse était telle qu’une fois, étant aux rochers de Carberry, bien qu’il eût pris