Page:Cabanès - Grands névropathes, Tome III, 1935.djvu/96

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ce que j’écris. Je suis sûr que je n’ai pas longtemps à vivre ; le temps sera court mais cruel… »

Avant de sombrer dans la démence, Swift s’est plu à la railler, à la narguer ! La théorie du génie névrose, du génie confinant à la folie, s’il ne l’a pas inventée — n’est-ce pas Aristote le premier (jusqu’à ce qu’on lui découvre un précurseur), qui a écrit cette phrase, traduite en latin du texte original : Nullum genius sine mixtura dementiæ ? — cette théorie, qui s’applique trop bien à son cas particulier, il l’a développée avec ce dogmatisme acerbe qui prend souvent forme d’humour.

Avec une gravité médicale — Taine en a fait avant nous la remarque — Swift expose que, de tout le corps, s’exhalent des vapeurs, lesquelles, arrivant au cerveau, le laissent sain, si elles sont abondantes, mais l’exaltent si elles regorgent ; que dans le premier cas elles font des particuliers paisibles, et dans le second de grands politiques, des fondateurs de religions et de profonds philosophes, c’est-à-dire des fous ; en sorte que la folie est la source de tout le génie humain et de toutes les institutions de l’Univers.

Que de talents enfouis dans les lunatics asylums, et qui seraient capables de remplir les postes les plus élevés dans l’armée, dans l’État ou dans l’Église !

« Y a-t-il, continue-t-il, un pensionnaire qui mette