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la précaution de se coucher pour affronter le précipice qu’il avait sous ses pas, il fut étreint d’une sensation vertigineuse telle que deux domestiques ne furent pas trop pour le tirer par les pieds à distance suffisante de l’abîme[1].

Il eut de graves troubles de l’audition ; la surdité s’installa assez rapidement : l’humoriste devenait de plus en plus amer, irascible et morose. Le pasteur Young rapporte qu’au cours d’une promenade qu’il fit avec Swift aux environs de Dublin, celui-ci s’arrêta soudain devant un orme dont les branches supérieures étaient desséchées : « Je serai comme cet arbre, dit-il, je périrai par le haut. » I shall be like that tree ; I shall die at the top.

Une lettre qui paraît avoir été écrite en 1740, et qu’il adressait à une parente, atteste une mélancolie profonde et comme le pressentiment de la catastrophe finale, que devait précéder le naufrage de sa raison.

« J’ai beaucoup souffert toute la nuit, mandait Swift à sa correspondante ; je suis très sourd aujourd’hui et j’éprouve de vives douleurs. Je me trouve si lourd, mes idées sont si confuses, que j’en ressens une tristesse profonde… Je sais à peine

  1. Pour toute cette partie pathologique, nous avons eu pour guide l’excellent opuscule du Dr P. Max-Simon, qui a établi l’observation clinique de ce « fou de génie » avec un soin et une conscience auxquels nous sommes heureux de rendre hommage.