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Page:Cadiot - Vingt jours en Espagne.pdf/11

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J’étais parti pour aller prendre les bains de mer à Biarritz ; et à peine ai-je vu la baie rétrécie, les toilettes tapageuses, les magasins de nouveautés, les hôtels à grands fracas et à prix fabuleux, que j’ai fui à tire-d’aile vers Saint Jean-de-Luz, en m’étonnant, une fois de plus, des aberrations de la mode et de la vogue.

Saint-Jean-de-Luz a du moins une jolie baie, un aspect pittoresque de petite ville historique, une simplicité antique, la maison de Louis XIV et celle de l’infante ; avec cela un caractère franchement basque, une population primitive - et l’hôtel de France où l’on vit confortablement pour un prix honnête.

Cependant les bains de mer y sont désagréables ; quand on y a végété quelques jours, on se sent comme enveloppé dans une lourde somnolence. On veut se secouer de peur de rester figé aux lambris de la vieille maison qui vous abrite et de devenir quelque chose comme un portrait d’ancêtre oublié dans un coin. Alors on fait des « excursions. »

Et d’abord, naturellement, celle de Fontarabie, première ville espagnole, campée sur un mamelon, en face d’Hendaye, dernière ville française. A marée haute, quand la Bidassoa est pleine, on se jette dans un batelet, et un marinier, en vingt minutes, vous dépose au bas d’une jetée en miniature, sur laquelle se promène un douanier espagnol. C’en est fait, vous avez quitté la patrie.

Et comme on le sent bien.Quelle différence tout à coup ! Tout à l’heure, en France, vous étiez dans une petite ville habitée, travailleuse, où, pêle-mêle avec la population, circulaient des baigneurs en villégiature. Là, des pêcheurs raccommodant leurs filets ; ici, des femmes en robe rose et des hommes en chapeau de paille, se pressant à l’omnibus qui conduit à la plage ; maintenant, en Espagne, vous êtes dans une ville fantôme, grande comme la main, et où une douzaine de palais en ruines, enfermés dans des fortifications démantelées, montent en procession, le long de l’unique rue, vers la cathédrale.

Voici la porte de la ville, enfoncée dans les hautes murailles qui s’effritent parmi les herbes ; au-devant, voyez cet attelage de bœufs, tirant péniblement une lourde charrette qui crie, sur ses roues pleines et sans essieu. Êtes-vous entré ? Une douzaine de gamins qui mendient s’échelonnent sur