Page:Cahiers de la Quinzaine, 4e série, n°5, 1902.djvu/134

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en veine de découvertes, elle doit apercevoir, à travers les rudesses des Rougon-Macquart, toute une pléiade d’adorables femmes, telles que nul auteur féministe n’en imagina jamais. Si elle veut faire une étude sur les Femmes dans l’œuvre d’Émile Zola, elle ajoutera à tous ces noms ceux de Christine Hallegrain, de madame Caroline, de Clotilde Rougon ; parmi les déshéritées, elle donnera une page à Lalie Bijard, à Palmyre Bouteroue, aux filles de la Maheude, Alzire la petite bossue et la triste Catherine, à la Maheude surtout, la mère crucifiée. Quant aux réprouvées, Renée Béraud Du Châtel, Séverine Aubry, Gervaise Macquart, victimes du milieu ou de la tare héréditaire, elle rendra justice à la sollicitude, à la tendresse pitoyable qui s’affirme chez Zola au plus vif et au plus précis de l’analyse.

Dans un livre où l’histoire des Rougon-Macquart se condense en notices individuelles, il était difficile de faire vivre ces foules en marche, galopades d’émeutes ou courses d’épopées, qui donnent à l’œuvre du maître un souffle si puissant. On a tenté cependant de les évoquer. Miette défile, échevelée, mante au vent, à la tête de la troupe insurrectionnelle qui envahit Plassans ; avec Étienne Lantier, les grévistes affamés traversent en trombe tout le pays noir ; devant tante Phasie immobile, l’éternel flot de voyageurs roule sans fin sur la ligne du Havre. Et, à l’heure où l’Empire s’effondre dans le sang, le soldat Picot nous fait revivre Wissembourg, son camarade Coutard évoque Frœschwiller et la déroute, le docteur Dalichamp et l’épicier Simonnot nous montrent les colonnes serrées de Bavarois envahissant Raucourt ; et, le lendemain de Sedan, c’est avec Silvine Morange que nous visitons le champ de bataille, plein de morts, de rôdeurs, de chevaux affolés.

Un procédé analogue a permis de mettre ici quelques figures historiques ou légendaires, dont Zola nous a dessiné la silhouette. Nous verrons donc passer Aristide Saccard, affichant madame de Jeumont, sous l’œil amusé du comte de Bismarck ; le peintre Gagnière fera défiler devant nous les maîtres de la musique, depuis Haydn et Mozart jusqu’au dieu Wagner ; Angélique ouvrira la Légende dorée, avec sa