Page:Cahiers de la Quinzaine, 4e série, n°5, 1902.djvu/135

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longue théorie de saintes et son envolée hors du réel ; avec le chasseur d’Afrique Prosper Sambuc, nous assisterons à la mort glorieuse du général Margueritte. Et, à plusieurs reprises, comme en un fond nécessaire au tableau colossal, l’empereur se précisera à nos yeux, d’abord dans tout l’éclat d’un bal officiel aux Tuileries avec Renée Saccard, puis à Compiègne et à Saint-Cloud avec Clorinde ; le major Bouroche nous le montrera à Reims, la face très pâle, les yeux vacillants ; et, dès lors, Napoléon III, incarnation du régime où se sont développés et satisfaits les appétits des Rougon-Macquart, nous suivra comme un fantôme. Nous le retrouverons au Chêne-Populeux, chez le notaire Desroches ; le fabricant Delaherche notera son allure silencieuse et morne à la ferme de Baybel et sur la route de Balan ; la petite Rose, fille du concierge de la sous-préfecture de Sedan, entendra pendant la nuit ses plaintes étouffées ; enfin, après l’irréparable désastre, c’est encore Delaherche qui nous fera voir le souverain, déchu et traînant sa misère, sur la route de Donchery.

Mais cet ouvrage aurait été incomplet, si « tout ce qui traîne et tout ce qui se lamente au-dessous de l’homme » n’y avait trouvé place. L’immense tendresse de Zola pour les animaux donnait à ceux-ci un droit de cité. Bataille, doyen de la mine du Voreux, et le pauvre Trompette devaient fraterniser avec Bonhomme, le vieux cheval, le vieil ami du docteur Pascal ; les bons chiens Mathieu et Bertrand méritaient de revivre ensemble, dans un même livre ; l’infortunée Pologne, l’égoïste Minouche, le joyeux Gédéon, et Alexandre, et l’autre Mathieu, toute la basse-cour de Désirée Mouret, aspiraient à se rencontrer avec César et la Coliche. Puis, au-dessous des animaux, les êtres inanimés voulaient, eux aussi, venir au rendez-vous : Jacques Lantier et Pecqueux retrouvent ici leur machine aimée, la Lison, douce et vigoureuse, capricieuse et délicate comme une femme. Tous n’apportent-ils pas leur contribution à l’enquête universelle ? Cette machine éventrée, ces bêtes souffrantes et aimantes, vieillies et sacrifiées, sont comme les ombres douloureuses de tant de vaincus de la bataille