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DISCOURS DE M. CHAUMIÉ

Messieurs, il y a quelques jours à peine, le grand écrivain autour du cercueil duquel nous sommes aujourd’hui rassemblés, était en pleine vie, en pleine force. Son talent puissant, qui s’était affirmé dans tant de maîtresses œuvres, poursuivant son évolution, chaque jour plus élevé et plus épuré, assurait l’accomplissement des œuvres nouvelles entreprises ou annoncées.

Et voilà qu’il a suffi de l’accident le plus banal pour tout détruire en un instant.

La nouvelle de cette mort a produit un sentiment général de stupeur.

Ce n’est pas seulement la France, perdant ce jour-là une de ses hautes gloires littéraires, qui s’est sentie en deuil. De toutes parts ont afflué les manifestations les plus vives et les plus touchantes de douleur et de regret, marquant ainsi quelle place tenait dans le monde celui qui vient de disparaître. Parmi les nations étrangères, il en est une à laquelle Zola se rattachait par des liens d’origine ; sa perte y a été ressentie de façon plus cruelle, et le ministre de l’instruction publique de l’Italie m’a prié d’apporter sur ce cercueil la salutation suprême de son pays.

Le gouvernement de la République a tenu, lui aussi, à l’honneur de prendre part à ces funérailles.

D’autres étudieront le talent de l’écrivain, montreront la place qu’il tenait dans les lettres, diront la grandeur épique de ses récits, l’intensité de vie de ses personnages, son art de grouper et de faire mouvoir les foules et les armées, d’en sentir les frissons, d’en dégager l’âme, la puissance saisissante de ses descriptions, le relief de ses tableaux ; ils mettront en pleine lumière les grandes pages qui doivent