Page:Cahiers de la Quinzaine, 4e série, n°5, 1902.djvu/28

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avec l’audace désespérée de la peur ? Comment les écarter de votre vue alors que je dois vous montrer Zola se dressant, faible et désarmé devant eux ? Puis-je taire leurs mensonges ? Ce serait taire sa droiture héroïque. Puis-je taire leurs crimes ? Ce serait taire sa vertu. Puis-je taire les outrages et les calomnies dont ils l’ont poursuivi ? Ce serait taire sa récompense et ses honneurs. Puis-je taire leur honte ? Ce serait taire sa gloire. Non ! je parlerai.

Avec le calme et la fermeté que donne le spectacle de la mort, je rappellerai les jours obscurs où l’égoïsme et la peur étaient assis au conseil du gouvernement. L’iniquité commençait à être connue, mais on la sentait soutenue et défendue par de telles forces publiques et secrètes, que les plus fermes hésitaient. Ceux qui avaient le devoir de parler se taisaient. Les meilleurs, qui ne craignaient pas pour eux-mêmes, craignaient d’engager leur parti dans d’effroyables dangers. Égarée par de monstrueux mensonges, excitée par d’odieuses déclamations, la foule du peuple, se croyant trahie, s’exaspérait. Les chefs de l’opinion, trop souvent, caressaient l’erreur, qu’ils désespéraient de détruire. Les ténèbres s’épaississaient. Un silence sinistre régnait. C’est alors que Zola écrivit au président de la République cette lettre mesurée et terrible qui dénonçait le faux et la forfaiture.

De quelles fureurs il fut alors assailli par les criminels, par leurs défenseurs intéressés, par leurs complices involontaires, par les partis coalisés de toutes les réactions, par la foule trompée, vous le savez et vous avez vu des âmes innocentes se joindre avec une sainte simplicité aux hideux cortège des aboyeurs à