Page:Cahiers de la Quinzaine, 4e série, n°5, 1902.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gages. Vous avez entendu les hurlements de rage et les cris de mort dont il fut poursuivi jusque dans le palais de justice, durant ce long procès jugé dans l’ignorance volontaire de la cause, sur de faux témoignages, dans le cliquetis des épées.

Je vois ici quelques-uns de ceux qui, se tenant alors à son côté, partagèrent ses périls : qu’ils disent si jamais plus d’outrages furent jetés à un juste ! Qu’ils disent aussi avec quelle fermeté il les supporta ! Qu’ils disent si sa bonté robuste, sa mâle pitié, sa douceur se démentirent une seule fois et si sa constance en fut ébranlée.

En ces jours scélérats, plus d’un bon citoyen désespéra du salut de la patrie et de la fortune morale de la France. Les républicains défenseurs du régime actuel n’étaient pas seuls atterrés. On entendit un des ennemis les plus résolus de ce régime, un socialiste irréconciliable s’écrier amèrement : « Si cette société est à ce point corrompue, ses débris immondes ne pourront même pas servir de fondement à une société nouvelle. » Justice, honneur, pensée, tout semblait perdu.

Tout était sauvé. Zola n’avait pas seulement révélé une erreur judiciaire, il avait dénoncé la conjuration de toutes les forces de violence et d’oppression unies pour tuer en France la justice sociale, l’idée républicaine et la pensée libre. Sa parole courageuse avait réveillé la France.

Les conséquences de son acte sont incalculables. Elles se déroulent aujourd’hui avec une force et une majesté puissantes ; elles s’étendent indéfiniment : elles ont déterminé un mouvement d’équité sociale qui ne s’arrêtera pas. Il en sort un nouvel ordre de choses