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Gabriel Trarieux

ÉMILE ZOLA, HOMME D’ACTION

Son œuvre est là, née de sa doctrine et — la méthode mise à part — en conformité avec elle. Elle nous promène lentement à travers les cloaques, les jardins de la vie. Étrange puissance systématique d’explorer un à un les milieux, d’évoquer un à un les décors, d’accumuler tant de documents, de faits précis, de choses mortes ! Une crudité italienne, une sombre verve satirique, une bonté, une candeur enfantine, parfois une splendide émotion humaine animent ces opulents tableaux. Le Rubens s’y mêle au Téniers. Il nous gorge de victuailles géantes. Il ne semble jamais rassasié. Et pourtant ce n’est pas l’ample amour, l’ample afflux de sang rouge et tiède qui empourpre les Titans de Balzac, ce n’est pas cette fureur sacrée « d’un Curtius qui se jette dans le gouffre » et nous y entraîne avec lui. C’est une volonté tenace, réfléchie, studieuse, un peu morne. On fait halte soudain avec délices en de charmantes oasis : la Faute de l’Abbé Mouret, une Page d’Amour font pendant aux visions sinistres de l’Assommoir et de la Débâcle. Plus souvent on ahanne avec peine. Parfois on s’arrête, rebuté. On admire, on subit, plus qu’on n’aime…

S’il faut préciser ce qui manque à cette œuvre rude et massive, ce sera sans doute un soupir, le pressentiment d’autre chose, une revanche à tant de défaites, à tant