Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment sous forme de confidences, quelquefois de confessions, rarement ou jamais sous forme de déclarations écrites, car ils ont femme et enfants.

Ceux-là, quand ils font de l’histoire, savent ce que c’est que l’histoire, et ce que c’est que de faire de l’histoire. Justement parce qu’ils en font passionnément, justement parce qu’ils sont désintéressés, ils en font en connaissance de cause. Justement aussi parce que dans la réalité présente ils ont opéré, ils opèrent continuellement la seule saisie de la réalité qu’il ait été donné à l’homme de recevoir. Ils font de l’histoire comme d’un beau et honnête métier. Quand ils font de l’histoire, ils savent, ils sentent profondément quelles sont les conditions et quelles sont les limites, ils savent ce que l’on peut et ce que l’on ne peut pas, ce que l’on obtient et ce que l’on n’obtient pas, ce que l’on n’obtiendra jamais, et s’ils ne l’écrivent pour ainsi dire jamais non plus, c’est que sous la domination de la science historienne, rien ne serait aussi dangereux qu’une insubordination. Une hérésie, on saurait bien l’empêcher de durer. Quant à la sociologie, dans l’état actuel de nos connaissances universitaires, un auteur, un professeur qui voudrait soulever le joug, secouer seulement la tête, serait un homme qui aurait la manie du suicide.

C’est une erreur capitale des temps modernes dans l’organisation du travail historique et dans l’estimation des historiens que de croire que les instruments et que les méthodes sont tout et de s’imaginer que la probité ne serait rien ; c’est la probité au contraire qui est centrale ; un homme qui a de la probité, manquant d’instruments, a beaucoup plus de chances d’avoir accès