Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/247

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ne ferait-il pas avancer beaucoup la métaphysique non plus, s’il n’était point métaphysicien bien doué, s’il n’était pas né philosophe. Un historien qui resterait fixé sur une méditation de la situation faite à l’histoire ne ferait pas avancer beaucoup cette histoire. Et non plus la métaphysique, s’il n’était point doué, né philosophe et métaphysicien. Ils seraient deux hommes en arrêt, et non des hommes qui travailleraient. Dans toutes les occupations humaines la division du travail se fait normalement ainsi : se situant également et ensemble au lieu des postulats, principes, définitions, conditions et limites, et des situations faites, le savant et l’artiste, s’accordant très libéralement tout cela, qui est demandé, considérant tout cela comme allant de soi, comme vu et entendu, partant de ce point précis redescendent incontinent le cours de leurs sciences respectives et de leurs arts. Mais se situant également et ensemble avec eux à ce même point précis, à ce point de difficulté, le philosophe s’y assied, et il n’en veut plus démarrer avant que d’avoir éclairci ces difficultés, qui sont généralement inéclaircissables. De là vient sa dignité, son prix, singulier, sa grandeur et sa lamentable misère. De là vient que les autres le méprisent et le redoutent, et quelquefois le haïssent, haussent les épaules, mais quelquefois baissent les yeux. Et il en a pour sa vie entière, qui est une pauvre vie d’homme, comme les autres, et il n’arrivera jamais au bout, car il y en aurait pour plusieurs vies ; et nul homme n’arrivera jamais au bout, car il y en aurait pour une éternité. Car au delà des difficultés il y a les impossibilités, et les contrariétés insurmontables. Les autres sont des hommes de facilités, de possibilités