Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/246

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garda éternellement ce don originel et métaphysique de tristesse ; une longue expérience, une expérience personnelle de la vie religieuse l’avait introduit irrévocablement à la méditation métaphysique ; un souci perpétuel de n’être pas ridicule, même auprès de soi-même, et pour cela de n’être pas dupe, même de soi-même, remplaçait presque avantageusement chez lui un certain amour de la vérité. Qu’il y a chez beaucoup d’autres, moins innocents. Par toutes ces voies il était conduit à méditer, sous ses occupations journalières, de l’objet même de ces occupations. Il n’était point étranger à toute métaphysique. Il entendait ce que c’était. Il était fort loin d’en ignorer. Il en avait besoin.

Les autres historiens font ordinairement de l’histoire sans méditer sur les limites et sur les conditions de l’histoire. Sans doute ils ont raison. Il vaut mieux que chacun fasse son métier. Il y aurait beaucoup de temps perdu dans le monde si tout le monde faisait de la métaphysique, et Descartes lui-même ne voulait que l’on en fît que quelques heures par an ; d’une manière générale il vaut mieux qu’un historien commence par faire de l’histoire, sans en chercher aussi long. Autrement il n’y aurait jamais rien de fait. Il en va de l’histoire comme de toutes les autres occupations humaines. Un mathématicien qui resterait fasciné toute sa vie sur le postulat d’Euclide et sur les autres postulats et définitions mathématiques ne ferait peut-être pas avancer beaucoup les mathématiques elles-mêmes, les sciences mathématiques. Et peut-être en outre et en face, pour se rattraper,