Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me rangerais volontiers à cette explication, à cette leçon, à cette version, à cette sorte de défense et de plaidoyer. Un homme ne fait pas, dans sa même vie, deux conversions contraires. Surtout il ne les fait pas à quelques années de distance. Peu d’hommes sont capables de rompre avec leurs amis politiques pour l’invention, pour la défense, pour le maintien, pour la victoire de la vérité, une fois connue, ce qui est le premier degré du courage. Il n’y a pour ainsi dire aucun homme qui, pour la même vérité, rompe derechef avec les amis politiques nouveaux qu’il s’est faits en rompant, pour cette vérité, avec ses anciens amis politiques. Ce qui serait le deuxième degré du courage. Mais je ne mets là ce deuxième degré que pour la symétrie, et je ne me dissimule point qu’il est proprement ce que les mathématiciens nomment un cas imaginaire. Nullement un cas historique, réalisé, réel.

Je crois que l’on trouverait aisément dans l’histoire du monde un très grand nombre d’exemples de personnes qui apercevant soudain la vérité, la saisissant, ou l’ayant cherchée l’ayant trouvée, rompent délibérément avec leurs intérêts, sacrifient leurs intérêts, rompent délibérément avec leurs amitiés politiques et même avec leurs amitiés sentimentales. Je ne crois pas que l’on trouve beaucoup d’exemples d’hommes qui ayant accompli ce premier sacrifice, et s’apercevant ensuite, comme il arrive communément, que leurs nouveaux amis ne valent pas mieux que les anciens, que leurs deuxièmes amis ne valent pas mieux que les premiers, aient eu le deuxième courage de sacrifier aussi délibérément leurs deuxièmes intérêts, leurs deuxièmes amitiés. Malheur à l’homme seul, et ce