Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/273

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on n’a peut-être jamais noté combien la deuxième apostasie est infiniment plus dangereuse, combien elle demande un courage infiniment plus rare, combien par suite elle est elle-même infiniment plus rare, au point de ne se manifester pour ainsi dire jamais.

Car les autres, qui sont aussi des apostats, qui ont commis avec vous cette apostasie première, qui depuis ont fondé une fidélité, un loyalisme nouveau, vous en veulent, et comme apostat, et comme nouvel apostat, et infiniment comme ayant rappelé, par votre apostasie récente, cette ancienne, cette première, cette commune apostasie qu’ils commençaient de faire oublier.

Étant des orthodoxes de couche récente, ils ont une haine elle-même nouvelle, une haine infinie, une haine de néophyte contre cette apostasie nouvelle, contre cette apostasie deuxième, contre cette apostasie relapse qui fait dire à tout le monde : c’est leur ancien ami.

Ou encore : ils ont fait comme lui, dans le temps.

Et pourtant il faut que la vie de l’honnête homme soit, en ce sens, une apostasie et une renégation perpétuelle, il faut que l’honnête homme soit un perpétuel renégat, il faut que la vie de l’honnête homme soit, en ce sens, une infidélité perpétuelle. Car l’homme qui veut demeurer fidèle à la vérité doit se faire incessamment infidèle à toutes les incessantes, successives, infatigables renaissantes erreurs. Et l’homme qui veut demeurer fidèle à la justice doit se faire incessamment infidèle aux injustices inépuisablement triomphantes.

Cette perpétuelle infidélité est d’autant plus difficile à tenir, — j’entends cette expression au sens où l’on dit tenir sa foi, — que les puissances modernes ont des