Page:Cahiers de la Quinzaine - 8e série, numéros 1 à 3, 1906.djvu/274

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sanctions implacables. Généralement toutes. Mais particulièrement les puissances modernes intellectuelles, devenues politiques, ont des sanctions plus implacables encore, et plus redoutées, que les puissances politiques propres. Elles ont mis, elles gardent à leur service tous les différents, tous les ingénieux appareils de l’enfer social moderne laïcisé. La solitude d’abord, le prétendu splendide isolement, si terrible au contraire, et si obscur, si bourré d’inquiétudes, et si communément redouté. La solitude qui en d’autres temps nourrissait un homme et lui donnait du recul, qui lui conférait une sorte d’éloignement sur place et d’éternité présente ; l’isolement qui dans ces temps modernes au contraire tue son homme, l’étrangle de misère, l’étouffe d’ombre et de silence. Un isolement parfait, un silence total, un isolement double, car les nouveaux ennemis s’en vont de vous, et les anciens ennemis ne vous reviennent pas pour cela. Une solitude double et cumulée, parfaite. Les nouveaux ennemis anciens deuxièmes amis vous font par devant un mur de solitude. Les anciens ennemis anciens premiers amis vous font et vous avaient fait par derrière un mur d’isolement. Car les amis peuvent devenir ennemis. Et ils ne s’en privent pas. Et les ennemis pourraient devenir amis. Et ils s’en privent. Mais les anciens amis devenus ennemis jamais plus ne redeviendront amis. Et ils sont au contraire des ennemis de prédilection. Ainsi s’organisent dans le monde moderne autour d’un homme, autour d’une œuvre, autour d’une vie, autour d’une action, un de ces parfaits silences qui pour cette sorte sont plus mortels que la mort même.

Et il y a encore l’immense tourbe, la foule innumé-