Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/101

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mes, qui parlez seules d’amour, et de cet amour qui fait vivre en créant. Et dans l’embrassement même des amants, ce sont les plus pures et les plus chaudes larmes du sang qui parlent pour la vie, qui la communiquent et la transmettent, venant de si loin ! Et souvent ils ne comprennent pas la parole qu’ils prononcent, et ils en sont ennoblis, même quand ils l’avilissent.

L’amant baise sa bien-aimée et pleure son sang en elle, comme l’homme enivré de Dieu baise la terre avec de grandes larmes. La terre reçoit ces pleurs ; et l’amante en garde avec jalousie l’offrande pécheresse ou la libation sans péché.

Si l’esprit s’abaisse, ici, ou si la chair est exaltée, qui le mesurera ? Servir avec amour est toujours un triomphe. L’humilité de la femme et de la terre doit s’offrir en exemple à tout service. Et je veux bien que la vie trouve son compte à l’humiliation de l’homme. Je ne parle jamais que pour la vie ; et je ne vois de bel orgueil qu’en tout ce qui l’augmente et la rehausse.

Amour de la vie, c’est mal dit encore. La vie n’est pas si grande ni si forte que l’amour. Elle en attend la parfaite beauté, dont notre désir s’est fait une promesse. Plus que l’amour de la vie, la vie d’amour : tel est le fond de Dostoïevski. À l’amour, de faire naître et de sauver la vie. Les meilleurs ne vivent que pour servir ce dessein. Et le plus pur amour est le plus amour.

Ô Fédor Mikhaïlovitch, si ardent, si aigu et si humble, vous êtes profond et vrai entre les grands. Vous