Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/102

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allez au delà de tous autres, sans doute. Car enfin, où j’en suis venu, il n’est de vérité que dans la profondeur. Pour prendre toute notre hauteur, il nous est nécessaire de mouiller dans les abîmes. Tout est de manque, à défaut de la profondeur. Et, au total, il y a fausseté où il y a manque.

Voilà donc le point où la haine n’est plus rien qu’une racine torse entre toutes les autres ; et si elle a la forme du serpent ou du ver, ce n’est point pour faire horreur, ce n’est pas pour qu’on l’écrase, mais pour se confondre avec les veines nourricières. Voici le point où tout est idéal, à force d’être vrai ; où le rêve de l’âme absorbe toute la matière, comme une matrice seconde, mais de résurrection. Ici, la pensée est acte ; le fait est idée ; ici, l’acte et l’idée sont tout amour. Tout trempe dans la compassion de la vie pour elle-même, et dans la certitude du salut, que le cœur exige d’un amour créateur.

Où tout est amour, tout est vie ! Par delà le néant de tous les objets éphémères, c’est là-dessus enfin que notre foi ou notre espoir se fonde. Dostoïevski, si je ne me trompe, et moi-même à mon rang, nous sommes l’antidote de la tyrannie rationnelle, des philosophes, et de tout poison inhumain : Dostoïevski, le cœur le plus profond, la plus grande conscience du monde moderne.