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I

SUR SA VIE

Il est né en automne. Il est mort en hiver.

Il a vu le jour dans une chambre triste, au fond d’un hôpital où son père était médecin. Un soir de brouillard glacial, il a rendu l’âme dans la saison noire. Il a beaucoup respiré la nuit polaire. De l’aube triste aux pleines ténèbres, il a toujours eu commerce avec l’ombre, et l’odeur des pauvres a toujours flotté autour de lui. L’hôpital de sa naissance était l’hospice des mendiants.

Le second de trois frères et quatre sœurs, il a perdu sa mère comme il avait quinze ans, et bientôt après, son père. Il est de ceux à qui les noirceurs de la vie ont été révélées de bonne heure.

Enfant, il a passé deux ou trois fois l’été à la campagne. Ses parents avaient un petit bien, à trente lieues de Moscou près de Toula, voisins de Tolstoï, après tout, dans ce pays immense. Toute sa vie, il a rêvé des champs, et il n’a vécu que dans les villes.

À l’hôpital Marie, c’était déjà la gêne. Une famille nombreuse, et plusieurs serfs domestiques, se pressaient dans un espace étroit : à dix ou douze, ils avaient deux chambres et une cuisine. On vivait là pauvrement, mais