Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/44

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On s’en fait une trop belle idée. Il voudrait, ce cœur passionné, qu’on vécût pour lui seul, je le crains : car il serait capable de vivre pour ceux qu’il préfère.

§

Il a le respect et l’amour de son art.

Au comble du chagrin, livré seul à lui-même, pourvu qu’il ne souffre que de soi, il va loin. Est-il ainsi, ou l’imaginé-je ? Dans son amour de l’art, aussi, il connaît les extrémités : la maladie, qui opprime l’âme ; et le refus de rien faire pour le public contre son propre génie. Aux yeux de l’artiste, le public est un mal nécessaire : il faut le vaincre, et rien de plus.

Il adore l’état de création. Mais écrire le tue. Car il est aux gages du besoin ; il a beau tenir bon, et protester qu’il n’écrira pas sur commande, il vit de sa plume ; il est serf des engagements qu’il doit prendre. De là, qu’il est le moins égal des grands écrivains : il donne un chef-d’œuvre après un roman confus ; et le chef-d’œuvre est suivi d’un livre médiocre[1].

§

Il semble bâiller d’ennui, lui-même, en certaines de ses œuvres. Elles sont d’une longueur, d’une recherche, d’une subtilité insupportables. Elles sentent la folie. L’analyse y fait penser au délire, au scrupule, et le détail intérieur à la manie de l’infiniment petit. L’inco-

  1. Après Crime et Châtiment, le Joueur, 1866 et 1867 ; l’Éternel Mari après l’Idiot, 1868 et 1870.