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IV

PASSIONS ET MOMENTS

Son art ne vient pas de son mal. Mais il y a de son mal dans son art. Et puisque ce mal sacré n’a point tué l’art dans le malade, l’artiste s’en aide pour étendre son art. De mille épileptiques, il en est un seul qui ne soit pas imbécile ; mais celui-là a des lueurs que la santé ne connaît pas. C’est le miracle de l’esprit, qu’il peut faire son bien de la maladie même. Je ne me lasserai pas de parler pour l’esprit. Et spiritus adjuvat infirmitatem nostram, dit l’Apôtre. Il souffle où il veut ; et même dans le patient, que ces chiens de savants voudraient mettre à l’asyle.

Malade donc, donnant parfois l’idée d’un fou, toujours bizarre, d’une humeur extrême, sujet à la tristesse et à la mélancolie comme à une passion ; tombant du rire strident, et d’ailleurs le plus rare, à la plus noire rêverie ; l’homme le moins sain, si la santé est cet état d’heureux équilibre où, ni le corps ne se plaint à l’âme, ni l’âme ne se plaint de tout le mal que le corps peut faire à l’esprit : Dostoïevski, tout de même, n’a été atteint d’épilepsie qu’en prison et au bagne. Il avait trente ans, alors, et trente années durant, qu’il lui restait à vivre, il s’est courbé sous la main dure qui atterre. Était-ce la véritable épilepsie, ou quelqu’une des formes nerveuses qui l’imitent ? En tout cas, les