Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/54

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accès n’étaient point rares : il en a eu jusques à trois et quatre dans le mois ; parfois même, tous les jours.

Dostoïevski a vécu dans le mal sacré. Et ce mal lui a révélé la terreur sacrée, qu’il appelait terreur mystérieuse. Ce n’est pas seulement l’aura de la crise, ce souffle qui balaie le monde de la vision et de l’objet, pour en faire un tourbillon total, en giration autour d’une idée fixe. J’y reconnais le mouvement magique de la contemplation, le train de l’extase, cette révolution qui emporte l’homme tout entier dans l’effroi de la vision qui lui est promise, qu’il redoute et désire, de tout son être, dans le même moment. L’amour au comble obéit à la même incantation : l’amour qui, toujours, va au delà de son objet, et, dans l’homme, toujours au delà de la femme la plus aimée.

Mal sacré, mal de terre, comme on dit au village, perte du sens. Perte de soi, dans une étrange prescience, et même dans une divine possession d’autrui.

Aura quaedam frigida, un composé de sensations et de mouvement. Une haleine mystérieuse se met à ourdir une toile, qui sépare l’âme de tout ce qui l’entoure, sans pourtant l’en priver : un tissu complexe de passion et de possession, un abîme pour le sens propre, une obscure révélation d’univers.

Si l’on veut à tout prix que ce soit un mal, je l’appelle la maladie du trépied. C’est l’état des voyants, la condition même de la présence mystique. Car, ne croyez pas que cet oubli de l’étendue soit une absence, ni que les objets disparaissent parce qu’ils ne comptent plus un à un. Mais, au contraire, tout y prend sa juste place, et les formes de l’univers s’assemblent autour du seul point fixe. Voilà saint Paul, quand la parole attendue