Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/63

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vraiment femme. Il faut qu’elle souffre ; et il faut, lui, qu’il souffre de la faire souffrir. Ainsi se reconnaissent les sexes, et ils s’aiment à la fin. L’amour est inné à cette pratique. Sans quoi, le plaisir égoïste masque tout.

Quelle patience, dans une femme, pour supporter la souffrance qui naît d’un tel homme ! La patience d’une femme est sa force. Sa bonté, sa vertu. Quel courage, en elle, pour garder sa foi à la vie ! Pour lui, si elle l’aime, il faut qu’elle y ait foi, l’eût-elle perdue pour elle-même. Elle ne peut pas trahir la volonté d’un tel homme ; elle ne peut pas oublier l’enseignement unique de son œuvre : que la foi dans la vie, coûte que coûte, est mère inépuisable de toute beauté.

Il est dur d’être femme. Mieux la vaut être pourtant, qu’une de ces grosses prostituées qui font des livres, entre Paris et Nice, avec leur haine de l’homme, en se léchant elles-mêmes dans un miroir. Et parce qu’elles sont l’ignominie de l’amour propre, elles se croient des artistes. Non pas à Laïs grattant ses boutons, mais à elles, est dû le châtiment de tremper, l’éternité durant, dans la fange de leurs ulcères et la crème de leurs excréments, les grâces qu’elles se sont trouvées, et les hideux plaisirs qu’elles y goûtèrent[1].

§

Parce qu’il les a vu souffrir, et qu’il a fait souffrir les femmes, tout en souhaitant avec passion de les élever et de les guérir, Dostoïevski les connaît mieux qu’un autre.

  1. Di quella sozza e scapigliata fante,
    Che là si graffia con l’unghie merdose,
    Ed or s’accoscia, ora è in piedi stante.

    Inf., XVIII, 44.