Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/64

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Il les voit tantôt cruelles comme le reproche de la chair, tantôt plus douces que le lait nourricier dans la bouche, mais toujours toutes folles : folles d’égoïsme, ou folles de se donner, folles de tuer l’homme, ou folles de s’immoler à lui.

Il connaît leur passion unique, cette attente éternelle où elles s’agitent : elles sont là, toujours la même Ève endormie, qui attend que le doigt de son Dieu lui communique l’étincelle, et l’appelle à la vie.

Et dans cette éternelle attente, il devine toujours leur éternelle déception, leur désespoir éternel : il faut vivre pour elles ! Elles peuvent donner la vie, mais non l’avoir ! Il faut leur souffler le feu, qui est toute la vie de l’âme ; il ne faut jamais laisser tomber cette flamme immortelle et fragile. Et comme il est fatal qu’on ne la puisse pas toujours nourrir pour elles, il faut qu’elles lamentent la duperie du don total qu’elles ont voulu faire d’elles-mêmes à l’homme et à l’amour.

Il a donc soupçonné leur ardeur cruelle, ces rancunes glacées qui menacent le foyer de la tendresse et du désir. Il a laissé comme une ébauche de cette âme sensuelle, de ces pudeurs perverses, de cette luxure innocente et virginale, qui tremblent dans le sentiment des jeunes filles, et que les fureurs de la femme coupable attisent comme un inextinguible regret.

Tout est passif en elles. Leur sacrifice a parfois la violence d’un appel égoïste à la violence qu’elles repoussent. Elles mettent, à être prises, une espèce de brûlante complaisance, pour en faire plus tard un reproche sans pitié. Elles sont bien, dans leurs parfums acides, la fleur qui exige le pollen, et qui réclame d’être fécondée, tandis qu’elle a l’illusion de s’y résigner