Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

patiente analyse, qui ne considère une face du caractère qu’en fonction des autres faces. De là, enfin, l’accord dans la vie, et surtout dans l’extrême amour, de ce qui est contrariété inintelligible pour l’esprit.

Le désir de cet homme pour la jeune fille tremble, comme un œillet de feu dans un parterre d’épis et de lourdes corolles. La passion de l’innocence, l’élan vers la forme virginale, cette essence d’ardeur, si puissante et si subtile, qu’une goutte répandue en parfume tout autre amour, et se révèle jusque dans l’amour le plus infâme, jamais Dostoïevski n’y résiste. D’ailleurs, la jeune fille n’est qu’en nous.

Selon moi, il cherche la vierge en toute femme ; il ne peut aimer qu’elle. Cette prédilection l’emporte ; elle le ravit au troisième ciel, ou elle le fait descendre jusqu’à cette fureur vernale, où la convoitise de l’homme s’adresse à l’enfance. Il y va, non par vice, mais par vertu de passion pèlerine. Ô que je ferai peu comprendre cet excès aux serfs du brutal appétit.

Dans l’homme insatiable d’amour, une passion palpite, qui domine sur tous les désirs : d’avoir un amour, où toutes les amours se confondent et s’enlacent. Il est femme et il est homme ; il est amant et il est père ; il est de chair pour son âme en folie ; il est tout âme pour le délire de sa chair. Et il veut l’innocence, parce qu’entre toutes les essences de l’amour, elle est irréparable. Il me souvient de Wagner, qui penche, avec un zèle du même ordre, à multiplier l’amour des amants par la parenté, et qui ne s’arrête pas aux degrés défendus. L’amant est le frère de son amante. Siegfried est presque le fils de sa bien-aimée, et