Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/67

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pensant à elle, toujours il pense à sa mère. Kundry vole un baiser filial aux lèvres de Parsifal pantelant.

On me dirait de Dostoïevski qu’il a fait ménage avec une petite fille, je n’en aurais point de surprise. Et j’en suis sûr, si laissant ici le plan des faits visibles, j’entr’ouvre les annales de l’homme secret.

Ne croyez pas qu’on soit plus sensuel, à mesure qu’on est plus passionné. Il peut arriver que la fureur des sens croisse avec la passion. Mais l’imagination passionnée est sujette aussi à une sorte de charnalité idéale. Rien ne transpire de ses ivresses ; et l’ardeur sensuelle s’épuise à chercher la difficulté. Qu’est-ce souvent, que l’artiste, surtout dans l’art des caractères, sinon une imagination amoureuse des formes, jusqu’à l’oubli de toute règle ?

Dostoïevski est bigame, pour le moins. Je ne parle que des intentions. La passion rencontre rarement son objet ; encore moins trouve-t-on les deux ou trois femmes qu’on désire dans la même.

La pitié pour la femme qu’on aime moins qu’on n’est aimé est une terrible passion. Elle mène, parfois, à la mort plus sûrement que l’autre. Ainsi, l’ardeur du sacrifice de soi passe infiniment l’ardeur que l’on met à se sacrifier les autres.

Il les voudrait toutes les deux : l’une pour lui, et lui pour l’autre encore. Taciturne secret que Dostoïevski confesse : se donner à la femme qui nous aime et qui attend de nous son salut ; et prendre la femme que nous aimons, dont nous attendons la joie ; celle que la passion fait vivre et celle qui la tue. N’est-ce point, au soir ténébreux de l’Idiot, les deux hommes, le mari