Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/70

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celui de notre certitude. Les Anciens sont trop charnels. Je ne prétends pas que nous devions faire élection de la douleur. Tant s’en faut, qu’on doit tout faire pour s’en tirer. Mais il faut la connaître. L’homme véritable n’est pas le maître de sa douleur, ni le fuyard, ni l’esclave : il en doit être le sauveur.

Sur la passion chrétienne qui a tant donné d’échos et de profondeur à la vie, c’est à nous d’élever une vie nouvelle. La grandeur seule en fera la joie. Car, où est la vie, est aussi la joie, même dans les supplices. Vivre, c’est avoir joie, à quelque prix que ce soit. Ni la grandeur, ni la beauté ne sont valables sans souffrance. Ainsi l’homme ne va plus sans une tristesse intérieure, qui donne du prix à tout ce qu’il sent comme la rosée des larmes à un merveilleux visage.

On ne saurait se vanter, ni de ramener l’homme à un âge qu’il n’a plus, ni d’abolir en lui aucune des puissances que le passé y a mises, et qui lui étaient nécessaires, puisqu’il se les est données. La douleur est une auguste puissance.

Au lieu de rien détruire, il faut tout accomplir en nous, et y tout achever.

La passion chrétienne, s’il fallait la justifier, je dirais qu’elle a créé l’amour, par le prix infini que la douleur y attache. L’art est un excès du même ordre, si on le compare au jeu. L’amour n’est qu’une flamme jeune, qui brille et qui se consume, chez les Anciens. Notre amour est un feu qui dure, et qui exige de durer, un brasier qui ranime ses flammes à mesure qu’il les dévore, une ardeur qui nourrit toute la vie. L’Amour des Anciens n’est que l’enveloppe du nôtre : aux sens est ajouté le cœur.