Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/69

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En amour, le cœur est trop avili, s’il ne souffre. La souffrance seule nous rétablit dans notre dignité d’homme. Quel est l’amant profond qu’Amour n’abaisse pas au pardon des pires offenses ? Il faut grandement souffrir de la femme, pour rester digne de soi dans l’amour qu’on lui consent, et même dans l’amour qu’elle nous accorde.

Et ce n’est pas assez des natures qui s’opposent, dans l’homme et dans la femme. Quand les cœurs sont complices, c’est le destin qui ne l’est pas. La misère, la maladie, le deuil, tout ce qui menace chaque homme sous un masque fatal, dans l’amour se démasque, et, entre amants, pour l’un prend visage de l’autre.

L’amour est ce qui nous sépare le plus des Anciens.

Notre passion n’est si ardente et si pleine, que pour faire en nous l’union des deux mondes : le cœur chrétien habite la chair païenne ; et la chair païenne hante le cœur chrétien.

C’est notre amour qui nous démontre que nous ne diviserons pas un monde en nous de l’autre, sans nous réduire de la totalité.

Le mystère de l’amour est celui de la douleur même. Je ne crois que les amours souffrantes. La douleur n’est pas la maladie : la douleur est un enrichissement. Psyché n’aurait pas perdu son Dieu, si elle l’avait réveillé dans l’insomnie de la peine, et non dans le sommeil du plaisir. Moins la douleur, l’amour n’est que l’ombre de lui-même.

Les Anciens ignoraient la douleur, puisqu’ils croyaient la vaincre. Et nous, nous devons la sauver.

La douleur n’est point le lieu de notre désir, mais