Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/95

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mortelle théorie de l’œuvre vivante, et le penseur sans amour du véritable artiste.

§

Encore un pas.

Je dirai de Nietzsche et des Anciens qu’ils peuvent suffire au monde de l’intelligence. Mais ils ne pénètrent pas d’un pouce dans le monde du cœur. Ils restent sur le seuil. Et plus ils s’imaginent de faire la loi à l’intérieur de la maison, plus ils l’ignorent. De là, sans doute, la misérable jactance de Nietzsche, qui excède tout ce qu’on peut permettre à l’orgueil de l’esprit ; car c’est l’esprit même qui y entre en décadence, et qui marque les degrés de sa chute par des cris. Il ne faut pas que l’orgueil de l’esprit sente la paralysie générale. L’intelligence qui se vante ne trouvera pas d’excuse dans l’abaissement de la folie ; mais au contraire, la fin de cette intelligence porte jugement sur toutes les œuvres de sa croissance ; et, quoi qu’on fasse, plus elle a tout réduit à elle seule, plus elle subit la condamnation de son propre dédain.

Ce que Schopenhauer est à Spinosa, les grands témoins de la vie le seront toujours à Nietzsche. Et ce sont les grands artistes : les confidents de l’amour. J’en sais plus d’un. Mais Dostoïevski est le premier de tous, dans le temps : il a prévenu toutes les insolences de Nietzsche. Wagner aussi était là. Il n’y a pas si loin de l’Idiot à Parsifal sublime.

Toute philosophie, d’ailleurs, qui n’est pas un simple jeu de la logique, prend forme dans une œuvre d’art. Il faut sortir de la cage à l’écureuil. Une pensée vivante sur la vie n’a pas d’autre expression qu’un chef-