Page:Cahiers de la quinzaine, série 6, cahiers 1-3.djvu/728

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chandises d’occasion, arrivés à acheter toutes les draperies de pourpre fanée de la gloire vénitienne !

Il se rappelait ces résultats d’un recensement ancien : Hommes, femmes, enfants, moines, nonnes, — et juifs ! — Eh bien, les Doges avaient vécu ; Venise était une ruine mélancolique, et le Juif, — le Juif vivait somptueusement dans les palais de ces fiers patriciens. Il regarda la vaste et magnifique salle à manger, avec ses tapis, ses tableaux, ses fresques, ses palmiers, se rappela l’antique écusson au-dessus du portail de pierre, — un lion rampant avec un ange volant, — et pensa à cette vieille loi latine défendant aux Juifs de tenir des écoles d’un genre quelconque à Venise, ou d’enseigner quoi que ce fût dans la cité, sous peine de cinquante ducats d’amende et six mois de prison. Eh bien, les Juifs, après tout, avaient enseigné quelque chose aux Vénitiens, — c’est que la seule richesse durable, c’est l’énergie humaine. Toutes les autres nations avaient eu leur temps de prospérité et s’étaient éteintes.