Page:Cahiers de la quinzaine, série 6, cahiers 1-3.djvu/738

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l’an dernier, ruinées par un orage, à l’effrayante misère des paysans sous le joug des propriétaires. Et il eut la vision d’une morue capturée qu’il avait vue haletante, presque avec un souffle humain, sur les sables du Lido. Ce spectacle lui avait gâté la sublimité de cette étendue désolée de terre et d’eau, et le charme étrange des voiles blanches, qui semblent glisser le long des pierres du grand récif. Son âme demandait justice pour l’informe morue. Il ne comprenait pas qu’on pût vivre dans un monde spirituel, concentré sur soi-même, d’où était exclue la plus grande partie de la création. Si la souffrance purifie, quelle purification que celle des chevaux chargés à mort, ou des chats affamés ! Le miracle de la création, comment existe-t-il pour les petits chiens qu’on noie à leur naissance ? Non, l’homme a imposé la morale à un monde non moral, faisant tout à son image, transportant dans le grand mécanisme inconscient l’idéal qui gouverne la conduite d’homme à homme. La religion, comme l’art, fait de l’homme, produit accidentel sans importance, le foyer de l’univers ; c’est de la mauvaise science changée en art.