Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

daire ne nous suffit déjà plus. Nous n’eussions sauvé que ces beaux noms de mois, pas pour l’usage naturellement, pour la mémoire, qui riment si poétiquement entre eux, que les dictionnaires attribuent à Fabre d’Églantine, qui riment si poétiquement à Il pleut, il pleut, bergère, et au fond à cette Églantine elle-même de ce Fabre d’Églantine lui-même. Eux, ils ont sauvé de l’oubli, ils ont sauvé pour la mémoire un nom même d’année. Une date d’année. Quatre-vingt-treize est très beau, dans notre calendrier. Quatre-vingt-quatorze n’existe pas. Excepté pour les savants, pour les historiens. Par eux, et aussi par Hugo, mais enfin c’est légitime, et d’ailleurs ça revient au même, cette simple date, l’an deux, ce simple nom de date, cet adjectif numéral cardinal pour ordinal, ainsi placé, restera ineffaçable dans la mémoire des peuples.

Nous autres nous allons sur les routes, et si bons marcheurs que nous soyons, quelque amour aussi que nous ayons de la création naturelle, de ces plaines et de ces blés, de ces meules et de ces chaumes, amour né en nous, après nous, avant nous, amour temporel de la création temporelle, temporellement infiniment plus vieux que nous, amour naturel de la création naturelle né infiniment avant nous dans notre peuple et dans notre race, quel que soit né en nous cet amour, et quel qu’il y soit devenu, quand nous marchons sur ces routes nos pas s’y effacent à peine que nous soyons passés ; d’autres pas innombrables les effacent, aussi temporaires, aussi précaires que les nôtres, aussi éphémères, aussi temporaires, aussi précaires que nous, les innombrables pas d’hommes innombrables aussi petits, aussi misérables, aussi insignifiants, aussi transitoires que