Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/135

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comme si ce fût son métier et son être, Majestueux de naissance et de race.

La Loire est une reine et les rois l’ont aimée.

Recueillant tant d’eaux intelligentes et tièdes, tant d’eaux françaises, tant d’eaux de tant de sources, non point sans doute les eaux mêmes de Surgères, mais au moins toutes les eaux de tout le vert Vendômois, les recueillant au creux de sa grande main de fleuve, au creux de la vallée, qui est elle-même au creux du terrain, les recueillant et les assemblant doucement au double abri de ce double creux, de ce creux dans ce creux, le grand fleuve dans la grande vallée, la grande vallée dans le grand pays, le fleuve grand-père à la barbe fleurie, non point une barbe limoneuse comme ce vieux statufié de Rhin mythologique, mais une barbe blonde et claire elle-même comme un regard, le fleuve aux inépuisables vagues de moire, le fleuve royal aux grèves blondes, aux lignes souples, et aux côtes pourtant nettes, à la descente intelligente, — non point capricieuse, — au courant débarrassé, à la descension délibérée, tantôt fougueux et plein comme un sauvage, et alors le fleuve aux eaux jaunes et crème, crémées d’écume, aux vagues écumantes, ballonnantes et déferlantes, aux flots foulants et refoulants, aux bouillons coulant, croulant et s’écrasant ; et tantôt non plus cette force de fleuve ; non plus tout un fleuve s’écroulant ; mais le fleuve qui fait semblant d’être indolent ; et qui si parfaitement réussit à tromper les imbéciles que des ignorants, — des barbares, — ont parlé de mollesse : il s’attarde seulement à regarder le plus beau pays du monde.