Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/136

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Orléans et tout l’aval d’Orléans ; la Touraine ; la grâce et la douceur tourangelle,

Et plus que l’air marin la douceur angevine.

La grâce, qualité, caractère, — j’entends des paysages, — plus mystérieuse encore et qui va plus profondément peut-être que la beauté, la grâce, plus arbitraire encore, plus libre, plus souveraine, plus parfaitement illogique et gratuite, inquiétante aussi, comme tout ce qui est donné, gratuitement, avec une gratuité insolente, absolue, sans recours, sans appel et sans justification, comme tout ce qui n’a aucune espèce de compte à rendre, absolument, comme tout ce qui n’est absolument pas vendu, en aucun sens, d’aucune manière, ni échangé ni troqué d’aucune sorte ; et c’est bien pour cela que la Loire est en même temps si inquiétante, dans son repos, dans son action, dans sa paix et dans sa tranquillité ; ce n’est pas seulement, ce n’est pas que l’on s’y noie ; c’est que ce pays a obtenu, sans le demander, ce que tant d’autres demanderaient en vain ; c’est que ce peuple a obtenu, ce peuple d’apparente impiété, d’impiété insolente, affichée, ostentatoire, c’est que ce peuple impie, — et c’est là tout le mystère de la destination de ce peuple, — c’est que ce peuple impie et mal élevé a obtenu et continue d’obtenir ce que tant de peuples pieux, ce que tant de peuples sages, tant de peuples appliqués, tant de peuples bons élèves demanderaient en vain, et qui est simplement de conduire le monde, comme si celui qui conduit les conducteurs aimait à dérouter le jugement purement humain, et plus que tout autre le jugement dévot, comme s’il avait on ne sait quel faible pour on ne sait quelle insubordina-