Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/24

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main, avec une affectueuse, bien-affectueuse, toute-affectueuse commisération, que quelques-uns dissimulent à peine. On citerait même quelques exemples, — car s’il est étonnant à quel point nous sommes un objet d’amitiés, — et d’inimitiés, — il est plus étonnant encore à quel point je suis peu un objet de respect, — on pourrait même citer quelques exemples que quelques-uns m’aient dit, en me serrant la main : Oui, mon vieux, — ils disent : mon vieux ; — oui, mon vieux, nous la connaissons ; ou, plus trivialement, on la connaît, et quelquefois, plus en bref : oui, je la sais ; comme on dit irrévérencieusement d’une chanson : tu me la copieras. Car ils savent que je ne sais qu’une chanson et que c’est toujours la même.

Tels sont nos discours. Et ainsi finissent-ils. Mais comment des hommes peuvent-ils se proposer d’avoir deux mondes, un pour écrire, un (autre) pour parler (et causer), un d’écriture, un de propos de table, quand il est déjà si difficile d’en avoir un petit morceau d’un.

Je n’apporte donc ce témoignage que pour mémoire ; par lui et à lui s’éclairera le visage du lecteur, comme je sais par expérience que s’éclairent à ce point les visages de mes amis ; je le redis : un homme qui n’a point travaillé comme producteur de droit commun, comme ouvrier salarié ou patron salarié dans une entreprise industrielle privée, un homme qui n’est point à quelque titre dans une entreprise commerciale privée quelconque, — et l’on entend bien ce que je veux dire par une entreprise commerciale, — un homme dont la vie, même, n’en dépend pas, un homme enfin, pour dire