Page:Cahiers de la quinzaine, série 9, cahier 1, 1907.djvu/33

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Et il y a longtemps qu’il y a la mort. C’est un mot si profond, et qui atteint si profondément aux plus profondes et plus essentielles sources sentimentales qu’il ne s’applique pas seulement à la mort, qu’il n’est pas vrai seulement de la mort, mais qu’il est vrai de tout ce qui est du même degré de profondeur que la mort, du même ordre de grandeur que la vie et la mort ; il n’est pas vrai seulement de la probité, qui est une vertu de race, et dont les improbes ne peuvent avoir même aucune idée organique ; il est vrai surtout de la misère, qui est si profondément apparentée à la mort, étant, comme je crois l’avoir indiqué dans un très ancien cahier de Jean Coste, très exactement ce que dit la formule très rare de l’Antigone grecque : une mort vivante.

Celui qui n’a pas été tenté, dans la misère, ne sait pas ce que c’est que la misère et que la tentation, et par suite il ne sait pas ce que c’est que la probité, ce que c’est que d’être honnête. Ou pour parler tout à fait exactement et nous en tenir en toute rigueur au mot que nous avons rapporté, il peut le savoir, mais il ne fait que de le savoir : il ne le croit pas et il n’y croit pas.

Je ne m’attarderai pas à revenir sur ce que j’ai dit de la misère dans un très ancien cahier. Je m’attarderai encore moins à traiter de la probité, à en parler seulement. Les vertus et les vices n’ont pas besoin de nous pour continuer, pour courir leurs carrières. Ce que je voulais noter seulement aujourd’hui, et c’est pour cela que je faisais appel à mon propre témoignage, à ma propre expé-