Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/25

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la théorie du mythe dans la philosophie syndicaliste. Les syndiqués eux-mêmes voient plus prosaïquement les choses. Mais toutes leurs opinions peuvent être traduites dans le langage sorélien. La morale syndicaliste a son centre dans l’idée de luttes des classes ; celle-ci commande l’autonomie de l’action syndicale, ce qui dans la lutte signifie l’action directe. Mais cette action directe incessante a besoin d’être entretenue et stimulée par un espoir constant qui sera précisément la grève genérale. « L’action directe, nous dit Griffuelhes, veut dire action des ouvriers eux-mêmes, c’est-à-dire action directement exercée par les intéressés. C’est le travailleur qui accomplit lui-même son effort, et… l’action ouvrière n’est… qu’une manifestation continue d’efforts… Il y a par conséquent… une pratique journalière qui va chaque jour grandissant jusqu’au moment où, parvenue à un degré de puissance supérieure, elle se transformera en une conflagration que nous dénommons grève générale et qui sera la révolution sociale ». « La grève générale, dans son expression dernière, dit-il encore, n’est pas pour les milieux ouvriers un simple arrêt des bras ; elle est la prise de possession des richesses sociales mises en valeur par les corporations, en l’espèce les syndicats de tous ». Ainsi le caractère belliqueux de l’action directe, le caractère mythique de la grève générale est avoué par les militants eux-mêmes.

Il est aisé de voir comment la théorie du mythe justifie intellectuellement la grève générale, puisqu’elle la réduit à être un moteur de la classe ouvrière et la préserve des objections rationnelles. Elle n’est qu’une représentation de mouvements d’une masse révoltée qui donne à l’âme de celle-ci une « impression pleinement maîtrisante ». Comme « le langage ne saurait suffire