Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/24

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On dit alors que la doctrine marxiste ne peut inspirer de morale. On oublie les préoccupations d’Engels pour définir à la fin de sa vie les rapports effectifs qui se manifestent dans la famille. Les socialistes qui à sa suite ne veulent pas reconnaître le pouvoir des parents, ni refuser l’entière liberté économique de la femme se fondent sur un rapport affectif : l’amour. D’où ils sont obligés de conclure à la complète séparation de la morale d’avec le droit. Il y aurait peut-être dans cette critique de la famille la promesse d’une morale sentimentale. Mais ensuite, dans la lutte des classes elle-même, on assiste à l’opposition constante entre le titre historique et le titre humain. Sorel y entrevoyait, à ce moment, l’élaboration de trois lois morales : 1° le désir d’assurer au plus grand nombre un respect plus grand de la dignité humaine et un contrôle plus efficace de l’application des lois par une conscience morale plus affinée ; 2° une protestation de l’opprimé invoquant un titre d’homme contre la supériorité historique et dressant l’homme contre l’État ; 3° l’espérance de rendre la génération qui grandit plus délicate au point de vue moral. Sorel s’enthousiasmait encore pour l’Affaire Dreyfus et « l’admirable conduite de Jaurès » ; depuis ses yeux se sont ouverts ; il écrivit la Révolution Dreyfusienne, mais retenons surtout de ces premiers efforts éthiques le désir de tirer la morale ouvrière de la classe ouvrière elle-même.

Les Réflexions sur la violence sont précisément un effort pour définir cette morale de producteurs. Le mythe de la grève générale, en tendant leurs énergies vers la lutte contre la classe bourgeoise, exalte leurs vertus naturelles et les défend des défaillances. De là l’importance du mythe dans la vie syndicaliste, de là