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syndicalisme égaré au sein des doctrines nationalistes ; il a, par des chemins moins directs, plus escarpés, parfois dangereux, rejoint dans la critique de la démocratie les membres de l’Action Française. Pour ceux qui doivent à Proudhon d’envisager sans trop de préjugés la lutte éternelle des classes, conséquence des sociétés organisées et qui n’y introduit pas nécessairement l’anarchie que souhaitent les dreyfusiens, il a le rare mérite d’inspirer, parmi les syndicalistes eux-mêmes, les meilleurs de leurs militants et de leurs doctrinaires, un Berth, le premier de ses disciples qu’il faut mettre à part pour l’influence comme pour le talent, un Janvion, un Riquier, comme aussi d’avoir fourni au nationalisme intégral la plus sûre critique des problèmes économiques… Si certaines enquêtes sur la monarchie et la classe ouvrière ont permis à quelques-uns d’entre nous de voir clair dans leur complexité dangereuse, n’est-ce point encore à Georges Sorel que nous en sommes partiellement redevables ?

Gilbert Maire.


PROUDHON ET L’ORDRE EUROPÉEN[1]


À Jacques Bainville, qui rendit un hommage éclatant à l’esprit critique de P.-J. Proudhon.


S’il est une aventure étonnante pour un partisan de l’idéologie révolutionnaire, c’est assurément d’avoir exprimé des jugements sains sur la politique européenne de la France et montré une parfaite compréhension des exigences de la civilisation internationale. Aussi les aperçus de Proudhon sur les rapports diplomatiques des États portent-ils le plus sûr témoignage en faveur de son génie politique.

Apologiste de la guerre et théoricien de la propriété, réorganisateur de la famille et critique déterminé du romantisme, Proudhon est surtout et principalement un citoyen passionné pour la grandeur de sa patrie, un homme soucieux des intérêts de la civilisation et qu’obsèdent les problèmes soulevés par l’organisation de l’univers.

Avec sa merveilleuse dialectique mise au service d’une action qu’il affirmait quatre-vingt neuvienne, Proudhon ne fut pas embarrassé de combattre effectivement les idées de la Démocratie sur la fonction de la France en

  1. Quatrième conférence mensuelle du Cercle, donnée le 13 mars 1912.