Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 2, 1912.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

N’étant plus lesté, l’esprit risque de sombrer. Tout se paye : à l’aliénation sociale grandissante correspondent les inquiétants progrès de l’aliénation mentale. En 1871, nos asiles recevaient 49 789 fous ; en 1908, ils en ont reçu 96 247. Nous avons aujourd’hui plus de 100 000 aliénés.

Notre démocratie est toute au Progrès, au Bonheur, à la Vie. L’enseignement de la démocratie est follement optimiste. En paroles, la démocratie a toutes les audaces. En fait, jamais l’individu n’a eu une telle peur de vivre, jamais il n’a étalé une telle incapacité de supporter bravement la souffrance. En 1872, il y avait en France 5 275 suicides par an ; en 1887, on en comptait 8 202 ; en 1904, on atteignait 8 876 et 9 945 en 1907. Nous dépassons aujourd’hui le chiffre de 10 000.

Fille de Rousseau, la démocratie chérit Émile. Notre siècle est « le siècle de l’enfant », comme dit un pédagogue contemporain. La démocratie accable l’enfant de ses effusions romantiques et de ses tendres bégaiements. Elle va bien plus loin : voulant éviter toute peine à l’enfant, elle refuse de « lui infliger la Vie ». La démocratie est malthusienne.

L’an dernier, quand M. Edouard Berth l’affirma, les démocrates ricanèrent : « C’est une phobie. Il voit la démocratie partout. » Cependant les faits sont là : plus notre république devient démocratique et plus elle hait l’enfant. Elle le hait : voyez plutôt cette cruauté si naturelle, si allant de soi, de M. Vautour refusant de louer des appartements au père de famille : elle n’indigne personne.

Notre natalité qui, de 1871 à 1880, était encore de 25,4 p. 1.000, est tombée à 23,9 p. 1.000 de 1881 à 1890, à 22,2 p. 1.000 de 1891 à 1900.

La république quatrième, celle qui date de la révolu-